Je vais déjà vous prévenir que cet article va être assez long, et réberbératif pour certains, mais je me sens obligée de le faire, je DOIS le faire.
Oui, ça va encore être à propos de Jeff Buckley, mais c'est pour vraiment mettre les choses au clair.
Je me suis rendue compte cet après-midi, grâce à une amie qui commence tout juste à s'interesser à Jeff Buckley (et j'en suis fière, c'est quand même un peu grâce à moi ^^), qu'il est quand même assez dure d'obtenir des vrais informations sur Jeff Buckley, si on écarte les ****** de sites de ***** qui s'éclatent à mystifier les choses au lieu de les dire simplement telles qu'elles sont...
Alors, j'ai décidé de faire ici un article pour les personnes souhaitant réellement découvrir quel artiste talentueux était Jeff Buckley, et j'indiquerais ensuite les "bons" documentaires et livres à propos de Jeff Buckley.
Pour commencer, la phrase de titre de l'entrée vient d'une chanson que Jeff Buckley a joué en live, qui s'appelle "Dido's Lament". C'est un morceau, pour une voix mezzo-soprano, de Dido & Aeneas, un opera composé par Henry Purcell en 1681.Jeff l'à jouée lors du concert "Meltdown Festival" à Londres le 1er Juillet 1995, et ça va être en rapport avec ce que je vais mettre après, c'est-à-dire la préface du Live à L'Olympia.
Vous pouvez télécharger cette chanson ici, ainsi que de nombreuses "rarities", c'est à dire des chansons inédites de Jeff Buckley:
http://buckleyesque.wordpress.com/2007/10/05/jeff-buckley-the-rare-tracks-7-cd-compendium/
Live à L'Olympia Préface:
Voici la transcprition (que j'ai faite moi-même manuellement, et oui...) de la Préface du Live à L'Olympia (album posthume uniquement sorti en France, d'où est tirée la photo de cette entrée), parce que je la trouve particulièrement réussie, qu'elle démystife le soi-disant "mythe", et qu'elle nous rappelle que l'essentiel n'est pas de se souvenir de la "légende" ou de tout ce qu'on voudrait nous faire croire, mais uniquement de la musique éternelle de Jeff, de sa passion.
« Le 6 Juillet 1995 Jeff Buckley monte sur la scène de l'Olympia de Paris et balbutie à l'attention d'un public qui le porte déjà en triomphe, la dévotion offerte, à genoux: « Remember me, forget my fate... » Et, effectivement, on se souvient de lui. Quant à oublier son destin, c'est peut-être trop demander.
Nous sommes presque deux ans avant la disparition tragique du chanteur dans les eaux glauques de la Wolf River de Memphis mais, déjà, Jeff Buckley annonce le divorce entre lui et son mythe en devenir. Car, ce soir-là, il y'a urgence à oublier le destin, à négliger la mythologie, pour ne garder que ce type, seul avec ses chansons et ses démons: le meilleur hommage que l'on puisse rendre, du vivant de ce « grand vivant », à ses hymnes brûlés, à ses concerts habités, intenses et dangereux.
De tous les concerts joués par Jeff Buckley entre la sortie de son fondamental premier album Grace et sa disparition à peine trois ans plus tard, ceux donnés à l'Olympia de Paris (les 6 et 7 Juillet 1995) restent, de son avis même pourtant régulièrement auto-dépréciateur, comme un sommet. Un moment fantasmé depuis l'enfance, quand le boulimique fanatique de musiques dévorait avec le même appétit aussi bien un live mythique de James Brown à l'Olympia que les albums d'Edith Piaf, deux des nombreux artistes qui donnèrent à cette salle parisienne son aura, sa gloire... Quelques jours avant ces concerts, Jeff Buckley parlait ainsi de cette échéance prochaine: "Je n'ai découvert Paris que l'année dernière. Et là, déjà, je joue à l'Olympia, comme Piaf ou le Velvet Underground... Un honneur terrible et effrayant. Comment passer derrière Piaf ? Je n'arrive pas à comprendre mon succès en France. Peut-être parce que les Français adorent les histoires sous-jacentes et, qu'avec moi, ils sont servis, il y'a du roman à raconter. Ils aiment la poésie et le lyrisme d'une certaine idée de l'Amérique."
Ce concert, ses musiciens et lui en avaient rêvé, pendant les longues tournées dans les petites salles américaines où ses chansons étaient reçues avec ferveur par un public nettement moins partagé que la critique locale. Car le groupe savait, depuis un accueil explosif l'année précédente, que, là-bas, à Paris, il serait reçi en héros. Il se préparait même à la manière d'un athlète pour ce grand jour en écoutant, inlassablement, un concert lui aussi enregistré dans cette salle: le Love, Power, Peace de James Brown. Mary Guibert, la mère de Jeff Buckley, se souvient de ce moment si particulier: "Sur la version que le groupe a joué à l'Olympia de "Kick Out The Jams" du MC5, enchaîné à « Eternal Life », on entend très clairement Jeff faire une sorte d'imitation de James Brown. Quand Jeff hurle « Olympiaaa !» , c'est en reprenant les manières du grand homme. Jeff était estomaqué par l'enthousiasme du public de l'Olympia.
Pendant le concert, on entend Jeff dire: « You crazy crazy crazy crazy weird people » (« Vous êtes complètement dingues. ») Il ne comprenait pas pourquoi les Français l'aiment à ce point, mais il jouissait de chaque seconde. Lui et le groupe étaient estomaqués par le respect qu'on leur témoignait en France, par les prestige avec lequel ils étaient reçus. » Pour les témoins de ces deux concerts, à la tension à peine supportable, le souvenir est encore vif, les frissons toujours actifs. Pourtant, quelques semaines auparavant, Jeff Buckley semblait épuisé par la tâche qu'il s'était lui-même imposé: la confrontation directe comme seul "marketing" pour sa musique. Car, avant même la sortie de son premier album Grace, en août 1994, il avait décidé que la seule façon de vendre sa musique était de la jouer, inlassablement, sans compter, sans soucis d'économie et avec les risques du métier - immenses pour un chanteur aussi extrême, intense et habité. "Je n'ai pas envie d'être dépassé par ma réputation, mais d'être seulement jugé sur mes chansons. Je veux que les gens viennent à moi par choix et pas sur ordre de la mode. Ma place, ce n'est pas dans les magazines, mais sur scène, face au public, d'homme à homme. Là, il se passe vraiment quelque chose. Le reste n'est que du baratin." Un tel don de soi, une telle exigence, un tel souci d'excellence finissent par se payer au prix fort. Et, en, juin 1995, Jeff Buckley, incapable de tricher sur scène, s'épuise à la tâche. Mais, la perspective de jouer à Paris et dans ce mythique Olympia, lui permettent alors de rester debout. Surtout qu'il sait qu'une fois que cette interminable tournée sera enfin achevée, il pourra revenir à l'écriture, constamment négligée dans cette vie de saltimbanque ballotté de ville en ville. "Depuis un an, je n'ai pas été capable d'écrire une chanson. Toujours en tournée, pas moyen de prendre la moindre distance. Mes muscles se sont atrophiés, la frustation devient physique. Je me sens cheap et inutile. Il faut que je me remette à écrire. Quand je me vois, j'ai honte, je ne suis qu'un pantin traîné de salle en salle. Pourtant, ces tournées sans fin, c'est moi qui les ai décidées. C'est mon investissement à long terme. Je suis trop fier pour être vendu sur la foi d'une publicité à la télé. Alors, je donne des concerts, partout, sans arrêts. ça me représente mieux, ça me vend mieux qu'un encart publicitaire dans un magazine. Et puis, c'est un besoin physique."
Et physique, effectivement, son concert à L'Olympia le fut. Face à un public déjà séduit par avance, Jeff Buckley aurait pu se contenter d'un show complaisant et cabotin. Mais hors de question pour lui de donner, en ces lieux et à ce moment-là de sa carrière, un concert routinier, calculateur. Libéré par l'échéance prochaine de vacances méritées, lui et son groupe se jettent à corps perdu dand ce concert. Ensemble, ils sautent avec une aisance vertigineuse de la plus impressionante intensité à des intermèdes presque potaches, de la gravité à cet humour tordu qui était l'une des qualités les plus méconnues de Jeff Buckley.
Ce soir-là, plus question de prendre en compte la fatigue et la lassitude. Totalement habité et d'une virulence rare, il laisse le vénérable Olympia exsangue mais comblé. Hilare, le groupe laisse même son batteur Matt Johnson revenir sur scène jouer le rappel - "Kanga Roo" - habillé dans la robe de sa fiancée. Pour de nombreux fans français, le choc de ce concert est violent: beaucoup se souviennent s'être retrouvés dans la rue hébétés, incapables de parler, de décrire ce qu'ils venaient de vivre. L'éléctricité était ce soir-là palpable à l'Olympia: autrant sur scène que dans la salle.
A la fin de la tournée, revenu aux Etats-Unis, Jeff rend visite à sa mère, Mary Guibert et lui dit: "Pour un chanteur de rock, jouer à l'Olympia, c'est le même honneur que si un chanteur d'opéra était invité au Metroplitan Opera House de New-York."
Mary Guibert: "Aux Etats-Unis, Jeff n'était encore rien, mais, à Paris, il pouvait remplir l'Olympia deux soirs de suite. Tout ce que Jeff a fait ces soirs-là sur scène a immédiatement été acclamé par le public... Le moindre geste, le moindre raclement de gorge, le moindre toussotement... Les gens chantaient, reprenaient en choeur. Sur "Hallelujah", j'entends même un petit rire rentré, au fond de sa gorge. Dans le public, des gens viennent d'allumer des briquets. Il n'avait encore jamais vu ça de sa vie. Jamais, comme il le dit lui-même pendant le concert, ils n'avaient reçu un acceuil de cette intensité et de cette ampleur."
Les honneurs (et les leçons d'humilité) ne sont pas encore finis. Quelques jours plus tard, Jeff partage une scène avec l'un des plus grands chanteurs Mugham, ce style musical complexe proche à l'Azerbabaïdjan. En effet le 18 Juillet, Jeff honore une invitation cocasse qui lui avait été faite à la fin de son époustouflant concert au Bataclan de Paris un peu plus tôt dans l'année, le 11 Février 1995: participer au festival de musiques sacrées de Saint-Florent-le-Vieil. Le groupe débarque donc dans le petit villlage du pays chôletais dans l'après-midi, attendant patiemment, au soleil, l'heure de son soundcheck, pendant que le chanteur azeri Alim Quasimov est lui-même en train de répéter. Le groupe s'éparpille alors dans la petite cité, jusqu'à ce qu'un son sacré n'envahisse les ruelles pavées: la voix d'Alim Quasimov et le son de son tambour qui résonnent depuis les murs épais du monastère où aura lieu le concert. Terrifé à l'idée de partager l'affiche avec lui, Jeff éclate en sanglot et parler d'annuler son propre concert. La puissance et la pureté de la voix qu'il vient d'entendre le terrassent, le font paniquer. Pourtant, après sa propre répétition, il reçoit la visite d'Alim Quasimov: "Jai beaucoup aimé ce que vous venez de chanter". Quelques minutes plus tard, les deux hommes répètent ensemble "What Will You Say" et jouent la chanson en duo le soir même. Un témoignage présenté pour la première fois au public sur le CD que vous tenez entre les mains. Une vidéo de cet événement est également disponible sur le site internet de Jeff Buckley. Quand il revient aux Etats-Unis, en cet été 1995, Jeff Buckley a déjà vendu 500 000 albums dans le monde, dont un peu plus d'un tiers seulement aux Etats-Unis. Un très bon départ, que Columbia espère bien confirmer au plus vite avec le successeur tellement attendu de Grace. Mais la tournée continue: d'abord l'Australie, puis New-York, puis à nouveau l'Australie en Février 1996 sous la pression du public. La tournée aura été longue et douleureuse, mais aura finalement porté ses fruits. Et, à son retour à New-York, le groupe est impatient de tourner cette page pour tenter de nouvelles expériences musicales et répondre à ce défi: créer un second album.
Mais avant cela, Jeff Buckley doit retrouver la normalité d'une vie sédentaire, échapper à la dictature des poussées d'adrénaline qui, depuis de longs mois, le font tenir debout, règlent son rythme de vie. En cette fin d'hiver 1996, il revient donc à New-York et quelques mois plus tard (en décembre 1996), dans un courrier adressé à son fan-club, il affirme même que "je suis actuellement dans la merde. Je vous en prie, soyez patient. Mais je devrais sortir de mon trou, peut-être avant l'été".Mais la barre est trop haute et l'exigence inouïe du musicien retarde constamment l'écriture, puis l'enregistrement de ce fameux deuxième album. Son ami et producteur Michael Clouse se souvient de ces affres: "Grace est un classique. Mais pas exactement à l'image de que souhaitait Jeff. Pour le deuxième, il ne voulait rien laisser au hasard, il voulait avoir son mot à dire à tous les niveaux: ce disuqe, il voulait que ce soit le sien. Il prenait le temps nécessaire à la confection du deuxième album qu'il avait en tête, il devait être meilleur que Grace."
Après avoir essayé de composer l'album à New-York, puis Long Island, Jeff Buckley part finalement à Memphis , fuit la Big Apple dont il rêvait pourtant depuis l'adolescence, comme se souvient Michael Clouse, qui avait rencontré Jeff, alors étudiant guitariste, quand il vivait encore en Californie. "Il paraissait venir de New-York avant même d'y avoir mis les pieds. Il avait un look à la Johnny Thunders. Le type que j'ai vu débouler chez moi ce soir-là avec son blouson en cuir râpé avait l'air tout droit sorti du Lower East Side du début des années 70, une petite frappe armée du CBGS's. Il ne ressemblait en rien aux guitaristes de Los Angeles de la fin des années 80. C'était un New-Yorkais avant même de connaître la ville. J'avais habité à Manhattan avant de m'installer à Los Angeles et Jeff me mitraillait de questions. J'ai gardé la toute première lettre qu'il m'envoya de New-York: il ne savait pas encore ce qu'il allait y faire, mais il était heureux. Il fallait qu'il vienne à New-York, c'était sa Mecque."
Son fidèle guitariste Michael Tighe, lui aussi éprouvé par la longue tournée et l'incapacité de donner une suite à Grace comprend alors parfaitement le choix de son ami: fuir New York, la ville qui l'avait pourtant révélé au grand public, pour trouver aileurs la disponibilité et la sérénité. "New York est une machine tellement puissante qu'on a vite fait de s'enfermer dans des habitudes difficiles à briser. Jeff était tellement gentil et généreux que beaucoup de gens recherchaient sa compagnie, alors j'imagine que les tentations étaient nombreuses. Il avait parfois du mal à résister à de petites escapades. L'énergie folle de cette ville peut-être épuisante et nocive et Jeff considérait qu'il avait une masse de travail colossale à accomplir." Heureusement pour nous, Jeff succombera à certaines de ces tentations. Il prête ainsi sa voix et sa guitare à quelques projets parallèles. On l'entend sur l'album de poésie Closed on account of ravies, réalisé en hommage à Edgar Allan Poe par le producteur Hal Wilner. Il fait les choeurs sur "Beneath the Southern Cross", tiré de l'album Gone Again de Patti Smith. A l'invitation de ses copains du groupe Shudder To Think, il chante la chanson "I Want Someone Badly" pour la BO du film First Love, Last Rites. Il accompagne Inger Lorre sur un de ses titres de "Kicks Joy Darkness", un disque enregistré à la mémoire de Jack Kerouac. Et, comme si ça ne suffisait pas, il tourne brièvement, en Mai 96, en tant que bassiste avec le groupe Mind Science Of The Mind.
En février 1997, le groupe et le producteur choisi par Jeff - Tom Verlaine - s'envolent pour Memphis, pour une tentative rapidement avortée d'enregistrer le second album. Après cet échec, Jeff renvoie le groupe à New York et décide de rester seul à Memphis. Il s'installe dans une petite maison qu'il adopte immédiatement comme son home sweet home et se remet passionément au travail, composant dans l'euphorie une série de nouvelles chansons. C'est donc logiquement que fin mai 1997, il appellle son groupe à la rescousse pour enfin démarrer l'enregistrement tant anticipé de My Sweetheart The Drunk, titre alors décidé par Jeff pour le successeur de Grace. Son guitariste, Michael Tighe, se souvient de cette sépération forcée: "Il appelait de Memphis une fois par semaine en moyenne, parfois plus. Je ne me faisais pas de soucis. Jeff avait besoin de solitude pour se plonger dans son travail. Lors de notre ultime conversation au téléphone, il semblait très détendu. Il me disait que les chansons se mettaient très bien en place, que la musique mûrissait."
Le soir de 29 mai, le groupe atterit à Memphis, avec l'intention d'enfin finaliser le second album dans les Easley Studios. Pendant ce temps, Jeff se promène en ville en compagnie de son ami Keith Foti. Ils décident alors de se rendre sur les berges de la rivière Wolf, afin de profiter du coucher de soleil et de se rafraîchir après une journée à la chaleur suffocante. Au moment précis où les roues de l'avion transportant ses musiciens touchent le sol du Tennessee, Jeff décide d'aller se baigner. Tout habillé, avec ses grosses chaussures. Un remorqueur passe alors sur la rivière, provoquant de grosses vagues qui atteignent vite la berge. L'espace d'un instant Keith Foti quitte la rivière des yeux, afin de protéger leur magnétocassette des eaux. Quand il se retourne pour voir où en est Jeff, celui ci a disparu. Foti commence alors à courir frénétiquement le long des rives, appelant à tue tête Jeff et implorant de l'aide. Mails il n'y eu aucune réponse, juste le silence et le clapotis de la rivière.
Pendant six heures alors qu'internet diffuse ses sordides rumeurs (suicide ou facétie ?). Jeff Buckley est porté disparu. Son corps ne sera finalement découvert que le 4 juin 1997, en aval sur le Mississippi, au pied de la célèbre Beale Street de Memphis, berceau du blues.Pendant des heures, voulant croire au retour de leur ami, trempé et hilare, ses musiciens à peine débarqués de l'avion l'avaient attendu en vain sur les bords de la rivière, dans cette Marina de Memphis où la police venait de lancer une vaste opération de sauvetage. Michael Tighe se rappelle: "C'était un coin à la fois tranquille et dégoûtant, infesté de rats. Mais l'eau était claire et belle, ça parassait presque logique qu'il ait eu envie de se baigner: la rivière vous tendait les bras. La lune était levée, c'était très déroutant. J'en parle posément aujourd'hui, mais à ce moment-là je ne comprenais plus rien. Plus tard, la même nuit, j'ai réalisé qu'il s'en était allé. Au début, je gardais l'espoir de le voir réapparaître. Mais quelque chose dans le mouvement des nuages et l'épaisseur de l'air cette nuit-là me disait le contraire. Le choc fut immense, j'étais dans la plus grande confusion. La colère et la frustration sont arrivées après. J'ai eu l'impression d'être mort moi aussi, complètement vidé. Mais lentement, la vie est revenue en moi. Plus intense et plus belle."
Pour la mère du chanteur, Mary Guibert, le premier travail de deuil consiste à courir derrière cette certitude: que Jeff est parti heureux, sur un coup de tête, sur un de ses coups de folie. "Tous ses interlocuteurs s'accordent à dire qu'il était tout sauf suicidaire. Il avait enfin vaincu les démons qui le hantaient depuis son enfance, il était en paix avec lui même, avec son histoire. Je souhaite à chacun d'entre nous de partir dans de telles conditions. Dieu a eu la bonté de placer un de ses amis, Foti, au bord de l'eau le jour où il s'est noyé. Je sais ainsi qu'il est parti haureux, optimiste, amoureux de la vie. Il n'arrêtait pas, sur le bord de la rivière, de dire à son copain qu'il voulait lui offrir quelque chose pour lui prouver son amitié. Et son copain lui a répondu: "Jeff, je veux pas de cadeau ! Alors laisse-moi juste t'embrasser." Il l'a embrassé, a mis une de ses chansons préférés - "Whole Lotta Love" de Led Zeppelin - sur le ghetto-baster, s'est mis à chanter à tue-tête et s'est enfoncé dans l'eau tranquille de la rivière".
Cette certitude acquise, commençait alors pour Mary Guibert une autre tâche, aussi lourde à gérer qu'émotionnellement éreintante: gérer l'héritage artistique de son fils, pour ne pas laisser sortir n'importe quoi n'importe comment, pour ne pas laisser le mythe - romantique, morbide et absurde - éclipser l'humour et la passion de vie de son fils. C'est ainsi qu'elle supervisa, en compagnie du fidèle Michael Tighe, les sorties posthumes du double album Sketches For My Sweetheart The Drunk, puis les deux albums live: Mystery White Boy et ce nouveau document, enregistré à l'Olympia.
« Je suis passée de la disparition de Jeff à la joie de retrouver son travail en passant par cette torture émotionnelle: écouter et réécouter sa voix... Il y'a aussi eu ce travail technique délicat; retranscrire des paroles qui n'étaient pas toujours très claires, parfois sans le moindre brouillon écrit... Souvent, il écrivait des poèmes qui, ensuite, devenaient des chansons - mais qui ne poss daient pas la forme d'une chanson. Le problème, c'est qu'il avait tendance à prendre beaucoup de libertés avec ses textes en studio. Les chansons n'ont presque pas été retouchées - il aurait été impossible pour nous de décider comment Jeff les aurait arrangées, modifiées. » Heureusement pour nous, Mary Guibert a aujourd'hui récupéré les cassettes, enregistrées depuis la table de mixage, de la plupart des concerts mémorables de Jeff. La moindre des chose était donc pour elle de sortir aujourd'hui une sélection des titres joués lors de ces concerts mythiques de l'Olympia, que Jeff lui-même considérait comme l'un des sommets de sa carrière.
"Remember me, forget my fate"... Aujourd'hui que le destin a rattrapé, dans toute son absurdité, Jeff Buckley, il était important de ne pas donner de grain à moudre à un romantisme sordide. Séparer le mythe de la réalité: la moindre des choses à exiger d'une ville qui a su transformer Jim Morrison en statue de marbre lisse, en mythe incohérent. "Cette légende créée autour de Jeff oublie totalement qui il était vraiment. Un garçon doux, affectueux, rigolard, plein de compassion, de joie, de poésie. Il n'était pas du tout l'esclave nombriliste de ses démons", admet aujourd'hui Mary Guibert.
Ce témoignage incandescent arrive donc à point pour rappeler que la légende, la mythologie et le romantisme posthumes ne pèsent pas bien lourd face à la flamme de ce grand vivant. Laissons le mot de la fin à son ami et guitariste Michael Tighe: "Certains éléments de sa légende actuelle auraient certainement beaucoup déçu Jeff. Au bout du compte, ce tapage ne pèse pas bien lourd. Comparé aux mines d'or qu'il a laissées derrière lui, c'est du pipi de chat."
JD Beauvallet, Avril 2001
Tous les entretiens on été réalisés par JD Beauvallet et ont été intégralement ou partiellement publiés dans Les Inrockuptibles ou dans le reportage Fall In Light réalisé par Don Kent pour Morgane Productions, diffusion Arte.
Fall In Light/Goodbye & Hello/ BBC Documentary
Je vais parler ici des différents documentaires qui ont été faits à propos de Jeff Buckley.J'en ai vu 3 (ceux dont j'ai mis le titre ici), mais selon moi, seul Fall In Light arrive à la hauteur. Voici mes explications.
*Le Documentaire de la BBC (qu'on peut, comme par hasard trouver facilement aux quatre coins de Google... alors que c'est la galère si vous cherchez Fall In Light ...), n'est pas tellement un documentaire parlant de la musique de Jeff, mais qui s'attarderait plutôt sur les mythes...Vous pourrez même constater l'apparition de Brad Pitt (qui n'a rien à faire dedans...) en plein milieu du documentaire...Bref, en une phrase, c'est une pure perte de temps qui arrive même à vous faire culpabiliser de l'avoir regardé...
*Le Documentaire Goodbye & Hello, que je viens par malheur de regarder hier sur Youtube est du même genre. Sans grande profondeur musical (si ce n'est un ou deux extraits de live...), on enchaîne interview sur interview de diverses personnes, s'attardant à peine sur la musique...C'est un désastre si vous vouliez regarder quelque chose d'instructif... remarquez, j'aurais dû m'en douter, déjà "Goodbye & Hello" , titre d'une chanson de Tim Buckley pour un documentaire sur Jeff Buckley, c'était plus que douteux..., mais comme pour tant d'autres choses, je ne me suis pas méfiée...
*Selon moi, seul un documentaire est valable, c'est Fall In Light, documentaire réalisé par Don Kent pour Arte en 1999 (et ce doit certainement être pour cela que celui-ci parle de la musique, et respecte Jeff Buckley, contrairement aux dzuw autres, parce que c'est Arte, chaîne cul-tu-relle !!!!!).Seul bémol, étant donné que c'est un documentaire intelligent, il est introuvable !Je ne l'ai vu qu'une fois en Anglais l'année dernière, il est maintenant impossible de le retrouver, si ce n'est en Allemand sur Youtube (joie...), ou sur vodeo.tv, mais là il faut payer 15 € pour l'avoir en DVD (ce que je ferais sans aucune hésitations dans de meilleures circonstances...); voici le lien si ça intéresse quelqu'un, ou au moins pour lire les informations à propos de ce documentaire:
http://www.vodeo.tv/18-44-523-jeff-buckley-fall-in-light.html.
Les Livres à propos de Jeff Buckley:
Comme pour les documentaires, au déburt je ne voulais en lire aucun, me disant que ça ne serait que conneries ou autres mythes (ce dont je ne m'était pas tellement trompée pour deux des trois docs...). Cepedant, en voyant ce livre ( Jeff Buckley par Stan Cuesta) à la Fnac à Avignon (pas de pub...^^), j'ai décidé de lire la Préface, puis de l'acheter. (cliquez sur le lien pour lire la quatrième de couverture: http://www.amazon.fr/Jeff-Buckley-Stan-Cuesta/dp/2859205977/ref=sr_1_14?ie=UTF8&s=books&qid=1210371393&sr=8-14).Tout comme le documentaire Fall In Light , ce livre parle de la musique de Jeff Buckley, et est très intéressant point de vue musical.
Bien sûr, si on s'intéresse aux mythes ravissant certainement les enfant en bas-âge où les esprits futiles... je vous conseille certainement Dream Brother : Vies et morts de Jeff et Tim Buckley par David Browne, que je n'ai pas lu, et que je ne lirais même pas sous la plus vive torture...
Rien que le titre en évoque beaucoup :
1°) Réunir Jeff Buckley et Tim Buckley, c'est fort, et même très fort, étant donné que musicalement il n'ya aucun lien !
2°) vous remarquerez que ce n'est pas par exemple « musique de... », mais « vies et morts ...», ce qui en dit bien long sur le contenu du bouquin...Moi je ne dis pas, ça doit être intéressant pour caler une table bancale...mais pour obtenir des informations à propos de la musique de Jeff Buckley...
Bon, voilà, j'espère que ça aura été utile...
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